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Sur vos épaules pèsent maint fardeau, maint souvenir ; il y a bien des méchants nains qui sont assis dans vos recoins. Il y a de la populace cachée, même en vous.

Et quoique vous soyez élevés et d’espèce supérieure : il y a bien des choses qui sont tordues et mal-venues. Il n’existe pas au monde de forgeron qui puisse vous façonner et vous redresser.

Vous n’êtes que des ponts : que de plus hauts passent sur vous de l’autre côt é! Vous représentez des marches : ne soyez donc pas fâchés contre celui qui passe sur vous, pour monter dans sa hauteur !

Il se peut que, de votre semence, il naisse un jour, pour moi aussi, un fils véritable, un héritier parfait : mais ceci est encore lointain. Vous n’êtes pas vous-mêmes ceux à qui appartiennent mon nom et mes biens de ce monde.

Ce n’est pas vous que j’attends ici dans ces montagnes, ce n’est pas avec vous que j’ai le droit de descendre une dernière fois. Vous n’êtes que des signes avant-coureurs pour m’annoncer que de plus élevés sont en route vers moi, supérieurs

supérieurs ce ne sont pas les hommes du grand désir, du grand dégoût, de la grande satiété et ce que vous avez appelé « ce qui reste de Dieu sur la terre ».

— Non, non ! Trois fois non ! J’en attends d’autres ici dans ces montagnes et sans eux je ne veux pas me déplacer d’ici,

—j’en attends de plus hauts, plus forts, de plus victorieux, de plus joyeux, de ceux qui sont rectangulaires de corps et d’âme : il faut qu’ils viennent, les lions rieurs !