Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
    346    

Avec le glaive de cette parole tu tranches la plus profonde obscurité de nos cœurs. Tu as découvert notre détresse. Car voici ! nous sommes en route pour trouver l’homme supérieur —

— l’homme qui nous est supérieur : bien que nous soyons des rois. C’est à lui que nous amenons cet âne. Car l’homme le plus haut doit être aussi sur la terre le maître le plus haut.

Il n’y a pas de plus dure calamité, dans toutes les destinées humaines, que lorsque les puissants de la terre ne sont pas en même temps les premiers hommes. C’est alors que tout devient faux et monstrueux, que tout va de travers.

Et quand ils sont les derniers même, et plutôt des animaux que des hommes : alors la populace monte et monte en prix, et enfin la vertu populacière finit par dire : « Voici, c’est moi seule qui suis la vertu ! » —

Qu’est-ce que je viens d’entendre ? répondit Zarathoustra ; quelle sagesse chez des rois ! Je suis ravi, et, vraiment, déjà j’ai envie de faire un couplet là-dessus : —

— ce sera peut-être un couplet qui ne pourra pas servir pour les oreilles de tout le monde. Il y a longtemps que j’ai désappris d’avoir de l’égard pour les longues oreilles. Allons ! En avant !

(Mais à ce moment il arriva que l’âne, lui aussi, prit la parole : il prononça distinctement et avec mauvaise intention I-A.)

Autrefois — je crois que c’était en l’an un —
La sibylle dit, ivre sans avoir bu de vin :
« Malheur, maintenant cela va mal !