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À peine ces paroles avaient-elles été prononcées que le cri retentit de nouveau, plus long et plus anxieux qu’auparavant et déjà beaucoup plus près. « Entends-tu, entends-tu, ô Zarathoustra ? s’écria le devin, c’est à toi que s’adresse le cri, c’est à toi qu’il appelle : viens, viens, viens, il est temps, il est grand temps ! » —

Mais Zarathoustra se taisait, troublé et ébranlé ; enfin il demanda comme quelqu’un qui hésite en lui-même : « Et qui est-ce, celui qui m’appelle là-bas ? »

« Tu le sais bien, répondit vivement le devin, pourquoi te caches-tu ? C’est l’homme supérieur qui t’appelle à son secours ! »

« L’homme supérieur, cria Zarathoustra, saisi d’horreur : Que veut-il ? Que veut-il ? L’homme supérieur ! Que veut-il ic i? » — et sa peau se couvrit de sueur.

Le devin cependant ne répondit pas à l’angoisse de Zarathoustra, il écoutait et écoutait encore, penché vers l’abîme. Mais comme le silence s’y prolongeait longtemps, il tourna son regard en arrière et il vit Zarathoustra debout et tremblant.

« Ô Zarathoustra, commença-t-il d’une voix attristée, tu n’as pas l’air de quelqu’un que son bonheur fait tourner : il te faudra danser pour ne pas tomber à la renverse !

Et même si tu voulais danser devant moi et faire toutes tes gambades de côté : personne ne pourrait me dire : « Regarde, voici la danse du dernier homme joyeux ! »

En vain quelqu’un qui cherche ici cet homme monterait-il à cette hauteur : il trouverait des cavernes et des grottes, des cachettes pour les gens cachés, mais ni fosses de bonheur, ni trésors, ni nouveaux filons de bonheur.