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Ayez donc tout d’abord le courage d’avoir foi en vous-mêmes — en vous-mêmes et en vos entrailles ! Celui qui n’a pas foi en lui-même ment toujours.

Vous avez mis devant vous le masque d’un dieu, hommes « purs » : votre affreuse larve rampante s’est cachée sous le masque d’un dieu.

En vérité, vous trompez, « contemplatifs » ! Zarathoustra, lui aussi, a été dupe de vos peaux divines ; il n’a pas deviné quels serpents remplissaient cette peau.

Dans vos jeux, je croyais voir jouer l’âme d’un dieu, vous qui cherchez la connaissance pure ! Je ne connaissais pas de meilleur art que vos artifices !

Votre distance me cachait des immondices de serpent et de mauvaises odeurs : et je ne savais pas que la ruse d’un lézard rôdait, lascive, par ici.

Mais je me suis approché de vous : alors le jour m’est venu — et maintenant il vient pour vous, — les amours de la lune sont sur leur déclin !

Regardez donc ! Elle est là, surprise et pâle — devant l’aurore !

Car déjà l’aurore monte, ardente, — son amour pour la terre approche ! Tout amour de soleil est innocence et désir de créateur.

Regardez donc comme l’aurore passe impatiente sur la mer ! Ne sentez-vous pas la soif et la chaude haleine de son amour ?

Elle veut aspirer la mer, et boire ses profondeurs : et le désir de la mer s’élève avec ses mille mamelles.