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Vous aimez aussi la terre et tout ce qui est terrestre : je vous ai bien devinés ! — mais il y a dans votre amour de la honte et de la mauvaise conscience, — vous ressemblez à la lune.

On a convaincu votre esprit de mépriser tout ce qui est terrestre, mais on n’a pas convaincu vos entrailles : pourtant elles sont ce qu’il y a de plus fort en vous !

Et maintenant votre esprit a honte d’obéir à vos entrailles et il suit des chemins dérobés et trompeurs pour échapper à sa propre honte.

« Ce serait pour moi la chose la plus haute — ainsi se parle à lui-même votre esprit mensonger — de regarder la vie sans convoitise et non comme les chiens avec la langue pendante :

« Être heureux dans la contemplation, avec la volonté morte, sans rapacité et sans envie égoïste — froid et gris sur tout le corps, mais les yeux enivrés de lune.

« Ce serait pour moi la bonne part — ainsi s’éconduit lui-même celui qui a été éconduit — d’aimer la terre comme l’aime la lune et de ne toucher sa beauté que des yeux.

« Et voici ce que j’appelle l’immaculée connaissance de toutes choses : ne rien vouloir des choses que de pouvoir me coucher devant elles, ainsi qu’un miroir aux cent regards. » —

« Ô hypocrites sensibles et lascifs ! Il vous manque l’innocence dans le désir : et c’est pourquoi vous calomniez le désir !

En vérité, vous n’aimez pas la terre comme des créateurs, des générateurs, joyeux de créer !