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net, que se joindre ainsi à la force armée pour accabler un malheureux est le fait d’un lâche.

— Apprenez, monsieur, répond fièrement Dolivar, qu’on ne m’insulte pas impunément.

— Je l’espère bien, réplique Gustave ; et je serai à vous dès que j’aurai mis ces coquins à la porte.

Mais pendant ce colloque les gendarmes s’étaient esquivés, on avait fait passer le pauvre patient par une porte dérobée, les femmes s’étaient enfuies dans le salon, et il ne restait plus que le général, M. Le Blanc, et une douzaine d’amis qui se pâmaient de rire. En les voyant ainsi, M. Dolivar pensa qu’il pouvait abandonner son rôle, et avouer à Gustave que ces prétendus gendarmes étaient des amis déguisés pour effrayer M. d’Aufreville, et le dégoûter de la manie des vers, qu’enfin toute cette scène n’était qu’une plaisanterie.

Mais Gustave ne se contenta point de cette explication ; et, malgré les instances de plusieurs personnes, il persista à dire que M. Dolivar s’était trop amusé à le mystifier pour qu’il ne lui fût pas permis de prendre sa revanche.

— J’en suis fâché pour M. Dolivar, ajouta-t-il ; et si j’avais dix ans de plus, je lui pardonnerais de bon cœur ; mais il faut apprendre à ces parvenus qu’on ne se moque pas des jeunes gens qui entrent dans le monde aussi facilement que des filles de l’Opéra.

Le général, qui écoutait ce discours, et paraissait l’approuver, entraîna M. Le Blanc et Merval hors de la chambre, et leur dit :

— Laissez-les s’arranger.

Lorsqu’il fut bien démontré que la querelle ne pouvait se terminer à l’amiable, M. Samson, financier très-connu par sa supériorité dans les jeux gymniques, son zèle à obliger ses amis, et son habileté à diriger les affaires d’honneur, vint s’offrir pour régler les intérêts des futurs combattants. Mon maître, flatté de son aimable empressement, le choisit pour témoin avec un aide de camp du général. Les arrangements pris, l’heure fixée au lendemain matin, il fut convenu que chacun rentrerait dans le salon en laissant croire à tout le monde qu’il ne restait plus aucun ressentiment de cette dis-