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Gustave. Le maire lui dit d’un ton solennel de la prendre. Il ne l’entend pas. Stupéfait du spectacle imposant qui s’offre à sa vue, de la quantité de personnes qui l’entourent, il ne distingue aucun objet. Cependant une femme est près de lui ; à sa robe élégante, au voile qui retient sa couronne de roses, il reconnaît la parure d’une mariée ; mais, dans le trouble qui l’oppresse, il n’ose lever les yeux sur cette femme qui semble redouter ses regards. Un papier qu’elle tient trahit le tremblement qui l’agite. Gustave en a pitié ; il veut lui adresser quelques mois. La parole expire sur ses lèvres. Alors le magistrat, s’inclinant vers la mariée, prend sa main, la pose dans celle de l’époux, et prononce à haute voix les mots sacramentels ; mais il est interrompu tout à coup par un cri de surprise. Gustave a revu l’anneau qu’il vient de quitter ; il croit que son imagination l’abuse ; et, dans son égarement, il s’écrie :

— Ah ! malheureux !… j’ai perdu la raison.

Et il retombe sur son siége en se cachant le visage ; mais la voix la plus douce le rappelle à lui ; il sent sa main pressée par une main chérie. Tout lui atteste son bonheur. C’est bien elle ; il est aux pieds de Lydie.

— Ta mère l’a voulu, dit-elle en montrant une femme qui pleure à ses côtés.

— Oui, j’ai voulu me venger, s’écrie madame de Révanne, en sortant de l’ombre où elle se cachait ; tu me trompais, j’ai voulu te tromper à mon tour…

— Ma mère !… Lydie !… Est-ce bien vous ? disait Gustave en jetant sur elles deux des yeux égarés. Suis-je donc le plus heureux des hommes !

— Vois notre joie, répondait sa mère, et tu n’en douteras plus.

— Mon cher Gustave, ce n’est point une vision, dit M. de Léonville. Lisez cet écrit, et n’interrompez plus M. le maire dans ses augustes fonctions.

Gustave prend la lettre, et lit ces mots tracés de la main de madame de Verseuil :

« J’accepte les bienfaits de votre mère ; ils vous acquittent, nous ne pouvions plus désormais être heureux l’un par l’autre. Gardons notre liberté. Adieu. »