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— Puisque c’est ainsi, dit le capitaine à Gustave, qui paraissait décidé à ne pas proférer une parole, allons la trouver, et tachons de ne pas nous égarer encore dans ce sombre labyrinthe.

— Vous n’avez qu’à prendre le petit escalier qui mène à la salle à manger, dit la servante ; et vous serez tout de suite chez le maire.

Mon maître, absorbé dans ses réflexions, ne s’apercevait pas même de toutes les courses qu’on lui faisait faire ; mais, en arrivant dans la salle à manger, il fut frappé d’y voir une table dressée pour un grand nombre de convives, et déjà recouverte d’un surtout d’albâtre, orné de toutes les fleurs qui pouvaient faire oublier la saison. À l’aspect de ces préparatifs somptueux, Gustave soupira douloureusement. Il regrettait les soins que son ami prenait pour donner à ces tristes moments l’apparence d’une fête ; et aurait voulu obtenir de lui-même le courage d’y assister. Mais il sentait qu’il lui serait trop difficile de feindre des sentiments si contraires à ceux qui le dominaient, et il préférait se laisser accuser de bizarrerie en partant au sortir de la messe, que de montrer à tous les yeux qu’il venait d’accomplir un cruel sacrifice.

— Vous pouvez nous annoncer, dit M. de Saint-Firmin au vieux concierge, dont les regards semblent le questionner.

Alors le vieillard marche le premier, et passe devant la chapelle. Les portes en sont ouvertes ; et les cierges qui brûlent déjà sur l’autel, éclairent la place où les époux doivent se jurer une fidélité éternelle.

— J’espérais, pensa Gustave en voyant ce saint appareil que madame de Verseuil me dispenserait de cette cérémonie religieuse, et s’épargnerait à elle-même un parjure de plus ; mais elle a voulu que rien ne manquât à cette pompe funèbre.

Bientôt les deux battants d’une grande porte s’ouvrent, et, les yeux de Gustave sont éblouis par l’éclat d’une grande lumière. Une foule de paysans, de paysannes, parés comme un jour de fête, obstruent l’entrée de la salle. Le capitaine les fait ranger ; et, s’emparant du bras tremblant de Gustave, il l’emmène vers l’espèce de tribune auprès de laquelle tout le monde est assis. Une seule place est restée vide. C’est celle de