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seriez de retour ; et comme je ne crois pas à la descente en Angleterre, je passerai ce mois sans inquiétude.

— Oui, je reviendrai bientôt, répondit Gustave d’un air contraint, car il méditait en secret une plus longue absence.

Décidé à ne pas rendre sa mère témoin de son mariage, il se flattait même de pouvoir lui en laisser ignorer le moment, et pensait qu’en revenant un jour vivre auprès d’elle, ainsi qu’il y avait toujours vécu, elle lui pardonnerait un lien qui ne coûtait rien à ses habitudes.

M. de Léonville était le confident de ce projet, et il avait promis de le seconder en engageant madame de Verseuil à se rendre le 5 mars au château de Léonville, sur la route d’Amiens. C’est là que son régisseur, le maire de la commune, dresserait l’acte civil en présence du capitaine Saint-Firmin, de M. de Léonville, et des témoins nécessaires. Enfin, c’est là que se passerait, le plus simplement possible, la cérémonie de ces tristes noces.

Nous partîmes. Dans ce voyage, où mon maître n’avait d’autre occupation que celle de suivre son général, nous passions une grande partie de nos matinées à nous promener sur les bords de la mer. La vue de ce vaste empire que l’on ne peut traverser qu’en rusant contre la mort ; ces vents, cette fureur des flots qui nous représentent la vie, tout nous portait à de profondes réflexions, et nous inspirait ce dédain de soi-même qu’on ressent à l’aspect des merveilles de la nature.

Cependant le 5 mars approchait, et Gustave, résigné à son sort, se disposait à partir pour Léonville. Il en avait prévenu madame de Verseuil par une lettre où les sentiments les plus généreux s’unissaient à la plus froide dignité, et madame de Verseuil s’était contentée d’y répondre en faisant savoir à Gustave, par son ami, qu’elle se rendrait le jour convenu au château de Léonville.

« La terre de Courmont est vendue, écrivait à mon maître M. de Léonville. Les quatre cent mille francs dont cette vente me rend dépositaire, seront employés selon vos vœux. Votre mère approuve cette disposition en faveur d’Alfred ; mais, malgré tout ce qu’elle en devait conclure, elle se flatte encore de voir rompre ou retarder par quelque événement votre ma-