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— Soyez moins injuste, ou je me brouille aussi.

— Peu m’importe. Lydie était la fille de mon ami, l’être que j’aimais le plus au monde ; vous avez fait son malheur, je ne vous le pardonnerai jamais !

— Ni moi non plus ! dit Gustave.

Et il soupira.

— Eh bien, si vous en avez un vrai repentir, répliqua M. de Saumery, faites quelque chose pour le réparer : voyez Lydie ; parlez-lui du mariage que je lui propose, de celui que vous allez faire vous-même ; je ne serais pas étonné que, demandé par vous, la raison ou le dépit lui fît consentir à ce qu’elle me refuse depuis deux mois ; et, comme je vois loin, je suis certain que, de sa condescendance, il résulterait de grands avantages et pour elle et pour vous.

— Je lui en laisse ma part, dit Gustave. Mais, que ne vous adressez-vous à ma mère pour déterminer sa nièce à suivre vos avis ?

— Soit qu’elle ait manqué d’adresse ou de bonne volonté, madame de Révanne a complétement échoué dans cette occasion. Sans cela, aurais-je recours à vous ?

Gustave garda un instant le silence ; ensuite il se leva, et dit :

— Décidément, je ne saurais me mêler d’une semblable affaire. Il y aurait de la fatuité à croire l’emporter là où ma mère et vous n’avez pas réussi ; et madame de Civray serait en droit de s’en offenser.

— Je vous entends, reprit M. de Saumery d’un ton amer ; et je lis si bien dans le misérable cœur des hommes, que j’avais prévu la vaine excuse que vous me donneriez ; mais, puisqu’ici chacun de vous se dispense de son devoir, je ferai le mien ; et nous verrons si l’autorité d’un vieil ami sera dédaignée. Lydie va retourner chez madame d’Herbelin. Eh bien, je l’y suivrai ; et, dussé-je y perdre tout ce que je possède, je veux qu’avant trois mois elle soit remariée.