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— Permettez-moi d’en faire autant, dit le capitaine à M. de Léonville ; je suis le malheureux qui l’a mis dans cet état, et si vous m’ôtez la consolation de le soigner, je ne sais où le désespoir pourra me conduire.

Touché des larmes qu’il lui voyait répandre, M. de Léonville lui fit signe de rester ; ensuite il s’approcha du lit qu’on venait d’arranger à la hâte, nous aida à y transporter Gustave, et me tirant par le bras :

— Remontons, dit-il, et sachons nous contraindre devant cette pauvre mère, nous reviendrons dans un instant.

Je tenais le papier que le chirurgien avait ôté de la main de Gustave, et craignant de le lire, j’allais le cacher dans ma poitrine. M. de Léonville me le demanda ; il le lut à la lueur de la lampe du vestibule, puis me le remettant, il dit :

— Gardez ce papier, et ne dites jamais à personne que je l’ai lu.

Alors jetant les yeux dessus, je vis ces mots tracés d’une main tremblante :

« Je lègue mon enfant à ma mère. »

En rentrant dans la salle à manger, nous n’y trouvâmes plus que Louise qui préparait une boisson calmante, et pleurait amèrement en répétant que Germain avait assassiné madame.

— Je l’avais pressenti, m’écriai-je.

Et je suivis M. de Léonville dans la chambre de madame de Révanne. Nous trouvâmes cette malheureuse mère livrée aux plus affreuses convulsions. Quand la triste nouvelle si mal dissimulée par Germain lui avait été confirmée par les mots distinctement entendus « l’épée a traversé le corps, » elle était restée longtemps inanimée, et n’était revenue de cet évanouissement que pour tomber dans un délire effroyable. Je courus chez son médecin, et le ramenai presque aussitôt muni d’une potion qu’il avait ordonnée sur ce que je lui dis de l’état de madame de Révanne, et du coup affreux qui l’avait causé ; ensuite je retournai dans le pavillon. Peu de moments après, M. de Léonville vint m’y rejoindre.

— Elle est plus calme, me dit-il tout bas ; mais la fièvre