Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ville, et qu’elle paraissait occupée, d’affaires trop importantes pour qu’on osât l’interrompre. Je fus enchanté de ce contretemps en pensant qu’il me sauverait une démarche fort embarrassante, et je me réjouis du retour de M. de Léonville ; car il me semblait plus convenable de le charger de dire à madame de Révanne tout ce qui devait la rassurer sur la tendresse de son fils. En conséquence, j’allai l’attendre chez lui, et, profitant du moment où il rentrait, je lui confiai une partie de l’entretien que j’avais eu le matin avec mon maître. Il témoigna d’abord la plus grande indignation contre Gustave. L’état où il venait de retrouver madame de Révanne l’avait pénétré de la plus vive douleur, et il accusait dans des termes fort injurieux madame de Verseuil et son complice. J’approuvai son ressentiment ; mais je lui fis observer qu’il s’agissait bien moins de punir mon maître, que d’apporter quelque soulagement aux chagrins de sa mère, et je le forçai de convenir que le retour des soins de Gustave pouvait seul la rendre à la vie ; il fallait les racheter à tout prix.

— Ne faut-il pas, disait M. de Léonville avec une ironie amère, qu’elle aille implorer la protection d’une madame de Verseuil, pour obtenir quelques-uns des moments de son fils ? Et ses amis se résigneraient à voir ainsi humiliée la plus respectable des mères !…

Et sa colère reprenait le dessus. Enfin je l’apaisai par le récit du tourment qu’éprouvait Gustave ; je lui laissai entrevoir que la conduite légère de madame de Verseuil avait beaucoup diminué ses sentiments pour elle ; mais qu’il se croyait engagé d’honneur à l’épouser, et que nul raisonnement ne pouvant ébranler sa résolution à cet égard, il était inutile de vouloir l’en faire changer.

— À cette condition, ajoutai-je, je réponds que mon maître redeviendra tout ce qu’il était pour sa mère, et que madame de Verseuil perdra beaucoup de son empire dès qu’il ne lui sera plus contesté par personne.

M. de Léonville, séduit par cette dernière assurance, promit de s’acquitter le soir même de ce qu’il appelait ma commission, et finit par louer le zèle qui m’animait pour les inté-