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préventions injustes, m’aidaient à supporter des humiliations dont je vous épargne le récit ; je ne vous reproche pas les larmes qu’elles m’ont fait répandre, ne me reprochez pas à votre tour l’unique consolation que j’aie trouvée dans une situation où il ne m’était pas même permis de me plaindre à vous.

— Serait-il possible ! s’écria Gustave, quoi ! ma mère, si bonne, si indulgente…

— Lorsqu’il ne s’agit pas de vos intérêts, interrompit Athénaïs ; mais, en cette occurrence, elle ne voit que les sacrifices que vous me faites, et me blâme avec raison de les accepter. Elle ignore le refus que j’en ai fait cent fois, et que je suis prête à répéter ; elle oublie surtout le sentiment qui m’a fait renoncer à de semblables biens pour vous consacrer ma vie, et croit de son devoir de vous détourner d’un lien qui contrarie son ambition maternelle. Je sens qu’à sa place j’agirais peut-être de même, et vous n’avez qu’un mot à dire pour me voir seconder ses projets ; mais si je suis aussi indispensable à votre bonheur que vous l’êtes au mien, aucun obstacle ne m’empêchera de l’accomplir.

Ce discours, suivi des plus tendres assurances, dissipa entièrement les soupçons de Gustave ; mais sa colère se reporta aussitôt sur les personnes qu’il accusait de persécution envers madame de Verseuil, et de despotisme envers lui. L’idée que M. de Léonville lui avait été envoyé par sa mère pour lui dénoncer Athénaïs s’empara de son esprit ; il se persuada qu’il était l’objet d’une conspiration de famille qui tendait à lui faire rompre ses engagements avec madame de Verseuil, et, révolté de se voir ainsi le jouet d’une autorité tyrannique, il s’affermit dans le dessein de résister aux conseils qui lui seraient donnés au nom de cette amitié suspecte qui peut calomnier avec les meilleures intentions du monde. Il alla même jusqu’à se promettre de conserver chez madame de Révanne une attitude si fière que personne n’oserait l’attaquer sur sa résolution.

Livré à l’amertume de ces pensées, Gustave hésitait à revoir sa mère. Cependant la crainte de ne pouvoir rester plus longtemps incognito à Paris le décida à paraître arriver chez elle