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des familles, et nous nous arrangerons pour que vous n’ayez jamais le désir de quitter la nôtre.

— Jamais ! madame… repris-je d’une voix étouffée ; jamais !…

Et je me retirai pour cacher l’émotion qui m’oppressait ; car l’avenir le plus brillant ne m’aurait pas flatté si sensiblement que l’assurance de consacrer ma vie à cette excellente mère.

Louise m’attendait ; je courus l’embrasser. Elle me parut embellie, et je fus frappé de sa tournure distinguée et de je ne sais quel changement dans ses manières qui lui donnait plutôt l’air d’une demoiselle de compagnie que d’une soubrette ; je lui en fis compliment : elle me dit :

— Vous me trouvez mieux, n’est-ce pas ? Cela est tout simple ; pendant votre absence, madame m’a fait apprendre l’orthographe, la broderie, le dessin, et comme je m’appliquais beaucoup à tout cela dans l’idée que vous en seriez content, elle m’a dit que si je continuais à bien travailler, elle me chargerait de la première éducation d’un petit enfant auquel elle s’intéresse ; que je l’élèverais sous ses yeux, dans un joli appartement qu’elle fait arranger tout près du sien ; que j’aurais les gages d’une gouvernante, et que je deviendrais alors un assez bon parti pour…

Ici Louise baissa les yeux, et je la serrai contre mon cœur…

— Oui, lui dis-je, seconde les vues de cette bonne maîtresse, rends-toi digne de ses bienfaits, et tu seras après elle ce que j’aimerai le plus au monde. Mais quel est cet enfant que l’on doit te confier ?

— Quoi ! Victor ne le devine pas ?

— Ma foi, non.

— Tant pis, car je ne saurais le dire.

— Quel âge a-t-il ?

— Déjà plus d’un an.

— Ah ! j’y suis, m’écriai-je. Il doit être charmant ?

— Beau comme un ange.

— Comment se porte sa mère ?

— Assez mal ; elle a passé tant de nuits à veiller son mari