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ser mon visage, si je venais la tromper sur l’état de son fils ; car tous les amours sont soupçonneux, et l’amour maternel ne laisse guère plus de repos que l’autre : mais j’avais l’air si franchement heureux en annonçant à madame de Révanne l’arrivée de mon maître, que toutes ses craintes se dissipèrent.

— Il sera ici demain matin, dites-vous ?

— Oui, madame.

— Eh bien, mon cher Victor, vous commanderez mes chevaux pour dix heures. J’irai à sa rencontre.

— Il fait bien froid, madame, répondis-je avec embarras ; et, d’ailleurs, je ne sais pas positivement la route qu’il a prise en sortant de Lyon. S’il arrivait par Melun, tandis que madame ira l’attendre sur le chemin de Fontainebleau ?

— Non. S’il revient avec Bessières, et qu’ils soient tous deux chargés de dépêches, ils prendront le chemin le plus court, et je suis sûre de les rencontrer.

— Ah ! mon Dieu ! pensai-je, elle va peut-être le voir ramenant madame de Verseuil. Gustave sera désespéré de cette rencontre ; il m’accusera de ne l’avoir point empêchée, d’avoir mal gardé son secret. Et, pendant que ces idées me passaient par la tête, madame de Révanne, qui remarquait mon trouble, me dit avec inquiétude :

— Toutes les raisons que vous me donnez là pour ne point aller au-devant de mon fils sont trop mauvaises pour n’en pas cacher une meilleure. On craint que je ne sois frappée en le voyant… il est blessé !…

— Il est en parfaite santé, je vous le jure, madame, répondis-je, empressé de dissiper l’effroi qui s’emparait d’elle. Je voulais simplement prévenir les désirs de mon maître, en évitant à madame une course très-fatigante par le temps qu’il fait.

— Je vous crois, Victor, reprit madame de Révanne d’un ton plus calme. Je ne douterai jamais de la parole d’un homme qui a tenu si fidèlement sa promesse avec moi ; car je sais tous vos soins pour mon fils, et votre dévouement vous répond de notre reconnaissance. Les bons serviteurs font partie