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pu me tromper plus longtemps ; mais, puisqu’une main charitable m’a ouvert les yeux, respectez au moins le juste ressentiment que m’inspire une conduite si outrageante, et ne vous présentez plus devant moi. Allez chercher près de votre complice la récompense qui vous est due. Ce prix ne peut vous échapper : car la femme qui trahit les plus saints devoirs, l’honneur et la reconnaissance, ne sera pas plus fidèle à l’amour ; et sa perfidie me vengera bientôt de la vôtre.

» Un de mes officiers vous transmettra mes ordres pour aujourd’hui. Demain, ce n’est plus moi qui vous en donnerai je ne saurais commander qu’à des gens que j’estime.

» Verseuil. »

— Il me méprise ! s’écria Gustave en déchirant avec rage cette lettre injurieuse, et je vivrais chargé du mépris d’un homme ! Non, il payera de son sang l’affront qu’il ose me faire. J’étais prêt à supporter sa haine, sa vengeance ; mais son mépris ! ah ! je le mériterais si j’hésitais à l’en punir !

Et, dans les transports de sa colère, Gustave formait les projets les plus insensés. Mais l’ennemi paraît, et c’est sur lui que tombe sa fureur. Heureux d’avoir à risquer sa vie, c’est du sang qu’il lui faut pour laver l’injure qui le déshonore à ses propres yeux. Dans le désespoir de ne pouvoir atteindre au cœur de l’homme qui l’outrage, il frappe tout ce qui s’oppose à son passage, répand la terreur dans les rangs autrichiens, les disperse, et protège ainsi la marche de Masséna, qui gagne le plateau de Rivoli. Bientôt Gustave et les siens sont appelés au secours de la quatorzième brigade, qui, se trouvant surprise auprès du village de San Giovanni, soutenait à elle seule le choc de l’ennemi. Là, par leur héroïque résistance, ils arrêtent les autrichiens assez de temps pour permettre à Bonaparte de se rendre précipitamment à la gauche de l’armée. On sait le résultat de ce mouvement subit, et comment Masséna, l’enfant gâté de la victoire, ainsi que l’appelait Bonaparte, profita de cette circonstance pour se placer au niveau du plus grand homme de l’armée.

Enfin, après trois jours et trois nuits de marches, de com-