Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Grands dieux ! je suis donc bien coupable, puisque cette démarche vous autorise à me parler ainsi ?… Eh quoi ! c’est parce que la malveillance dont je suis entourée m’oblige à recevoir mystérieusement l’objet d’une si pure affection ; c’est parce que, trop certaine de n’être plus aimée, je veux détruire ses injustes soupçons, conserver son estime, que je deviendrais le jouet de son caprice. Non, Gustave est incapable d’abuser d’une noble confiance ; en m’exposant ainsi, j’ai compté sur sa sincérité, son honneur, et je n’ai pas supposé qu’il voulût me sacrifier au vain triomphe d’un amour infidèle.

— Arrête, et ne blasphème pas contre cet amour qui me dévore ; ta puissance, ma soumission, mon délire, tout l’atteste. Ah ! si je t’aimais moins… Mais je le vois, tu préfères tout à mon bonheur. Sois tranquille ; je ne veux pas l’obtenir de ton indifférence.

En disant ces mots, Gustave s’éloigne d’Athénaïs.

— Ingrat, dit-elle, qui a le premier trahi cet amour que tu viens réclamer ? qui de nous deux, oubliant ses serments, s’est livré tout entier à une autre passion ? M’as-tu vue, t’immolant sans pitié aux désirs d’un rival, m’offrir à tes regards, le cœur encore ému d’infidèles caresses ? Non ; ces torts sont les tiens, et quand ils ont détruit pour jamais le repos de ma vie, c’est toi qui te plains, c’est toi qui m’accuses ?…

— Athénaïs, pardonne ! s’écrie Gustave en se rapprochant d’elle. Ah ! s’il est vrai qu’un seul instant j’ai possédé ton cœur, je n’ai pas mérité de le perdre. Va, c’est parce que je n’ai pu cesser de t’adorer que je suis devenu parjure, assassin ; et c’est pour t’adorer encore que je survis à ta victime. Oui ; défends-moi de t’aimer ; et tu verras si rien m’attache au monde.

— Gustave, épargnez votre amie.

— Athénaïs, tu pleures… j’excite ta pitié !…

— Non, je pleure sur moi.

— Quand tu disposes de ma vie, peux-tu m’outrager par tes larmes.

— Le sort de Stephania m’épouvante !

Mon amour t’en défend.