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M. de Verseuil, désirant garder quelque temps sa femme dans les environs du quartier général, avait fait louer pour elle la maison d’un émigré de Vérone ; et c’est dans le jardin de cette élégante habitation que Gustave attendait avec tant d’émotion le retour de mademoiselle Julie. D’abord il l’entendit ouvrir plusieurs portes qu’elle ne referma point ; ensuite il la vit un flambeau à la main éclairer successivement toutes les fenêtres d’un long corridor, avant de parvenir à l’extrémité d’un pavillon où la lumière disparut. C’était dans ce pavillon que logeait Athénaïs. C’était là que Gustave devait être reçu, c’était là qu’on décidait peut-être de son sort ! Les yeux fixés sur les croisés où il espère à chaque instant voir reparaître la lumière, il est absorbé par une seule idée. Tout à coup des pas se font entendre, on marche vers lui ; il frémit d’être découvert ; mais une douce voix lui dit :

— Suivez-moi.

Et il se laisse guider en silence par la fidèle Julie.

— Ma lumière pouvait nous trahir, dit-elle ; je l’ai laissée là-haut ; donnez-moi votre main pour monter l’escalier. Mon dieu, comme elle tremble !

— Oui, répond Gustave, un peu confus de la remarque ; j’ai peur de madame d’Olbiac.

— Rassurez-vous ; elle dort, mais chut, voici sa chambre.

Et Gustave, en passant devant la porte qu’on lui désigne, ose à peine respirer. Enfin, ils arrivent dans une galerie qui n’est éclairée que par la porte d’une chambre d’où s’échappe une faible lueur. Ici, mademoiselle Julie abandonne son protégé, et dit :

— C’est encore moi qui vous reconduirai.

— À ces mots, elle sort en fermant la porte de la galerie, et Gustave marche vers la chambre éclairée.

Que de prestiges dans le mystère ! Gustave s’était déjà plusieurs fois trouvé seul avec Athénaïs. Le dernier entretien qu’il avait eu avec elle ne lui avait pas même causé une vive émotion. Il aurait pu la rencontrer ailleurs peut-être avec indifférence, et ce rendez-vous secret, cette démarche imprudente, lui causaient un trouble inexprimable ; ce fut bien pis encore lorsque, du fond de la galerie obscure, il aperçut Athénaïs assise près d’une table couverte de fleurs, la tête