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trée plus franche et moins coquette. Son ton était celui de la cordialité ; ses manières, celles d’une ancienne amie. Rien en elle ne rappelait la femme séduisante qui l’avait emporté, par ses moindres préférences, sur le dévouement de Stephania ; et, sans outrager cette ombre irritée, Gustave crut pouvoir se livrer au charme d’une affection si pure. Cependant, avant d’accepter les soins de cette amitié, il voulut l’éprouver par l’aveu de toute l’horreur que lui inspirait maintenant la seule idée d’une liaison amoureuse. Madame de Verseuil, loin de paraître étonnée d’un semblable déclaration, s’empressa de l’approuver, et alla même jusqu’à en faire la condition de la confiance qui allait les unir. Pour mieux affermir la sécurité de Gustave, elle lui prit la main, la serra cordialement, et lui dit adieu.

Cette espèce de familiarité était si contraire aux habitudes d’Athénaïs, que, dans tout autre moment, Gustave s’en serait offensé comme d’une preuve d’indifférence ; mais alors il se félicita de n’avoir plus à combattre l’amour qu’il inspirait, et se crut pour jamais guéri du sien, en pensant que la main d’Athénaïs avait pu serrer la sienne sans que son cœur en ait battu plus vite. C’est ainsi, qu’après de vives souffrances, on prend l’accablement pour le repos.



XLIX


Deux jours après cet entretien, nous étions sur la route de Brescia. Bernard, retenu jusque alors à Milan, reçut l’ordre de rejoindre l’armée en même temps que nous : ce qui nous valut l’avantage de trouver tout ce dont nous avions besoin préparé aux auberges où nous devions nous arrêter. Ce brave garçon s’était pris d’une véritable passion pour mon maître depuis qu’il l’avait vu malheureux et malade ; et, comme il croyait que le bon vin et la bonne chère étaient les seuls remèdes à tous les maux, nous trouvions à chaque relai d’excellents repas commandés par ses soins. Gustave n’en profitait guère : les adieux qu’il venait de faire à Milan, ses souf-