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M. de Révanne ; et si mon intérêt pour lui, pour sa mère, me porte à braver de certaines convenances, je crains qu’il n’en résulte plus d’inconvénients pour moi que d’avantages pour lui.

— Il ne m’appartient pas de rassurer madame sur une crainte semblable : tout ce que je puis affirmer, c’est que mon maître est fort à plaindre, et que, livré au chagrin qui l’accable, sans avoir même la ressource d’en parler à personne, j’ai peur qu’il n’y succombe.

En disant ces mots, je feignis de vouloir me retirer.

— Attendez, me dit madame de Verseuil. Je ne sais en vérité quel parti prendre ?… Je suis tellement entourée… on est si prompt à mal interpréter la moindre démarche extraordinaire.

— Quand on la sait ; mais il est bien facile de la cacher. Qui que ce soit ne se doute de la preuve d’intérêt que madame a bien voulu nous donner l’autre soir.

— J’espère que vous l’avez laissé ignorer à Gustave.

— Non, madame ; je comptais trop sur l’heureux effet de cette indiscrétion pour ne pas la commettre, et je vous en demande pardon.

— Comment vous lui avez dit que j’étais venue au milieu de la nuit ?…

— Oui, madame ; et c’est parce que j’ai vu à quel point il était touché de cet acte de pitié, que j’ose en réclamer un autre de votre part.

— Mais alors il était fort malade.

— Il ne l’est pas moins aujourd’hui, madame ; sans cela, il aurait déjà quitté Milan.

— Sans nous revoir ?

— Il n’est pas en état de voir des indifférents, et comme il ne pourrait faire ses adieux à madame que devant témoins… il partira, je pense, sans prendre congé d’elle.

Ces derniers mots triomphèrent des scrupules de madame de Verseuil. L’idée de laisser partir Gustave après un événement qui devait rompre tous leurs liens, et sans savoir ce qu’elle était encore pour lui, la détermina à tout braver pour avoir avec lui un dernier entretien. Je ne cachai point à