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cierges allumés, cette lampe qui éclaire plus que toutes les autres ; et ces ornements tout neufs qui décorent l’autel, c’est là que madame…

— Il suffit ; laissez-nous, lui répondis-je en me pressant de l’interrompre.

Et il se retira.

Alors le bruit de nos pas troubla seul le silence de ces voûtes funèbres. Avant d’arriver à la chapelle ardente, Gustave, qui se soutenait à peine, fut obligé de s’asseoir sur une pierre funéraire ; mais peu de moments après, rappelant son courage, il se leva vivement, s’empara de la clef que je tenais à la main, et marcha vers la tombe éclairée. Là je n’osai le suivre ; car il est de tristes moments où la présence même d’un ami devient importune : comme tous les sentiments vifs, les regrets ont leur pudeur, et c’est souvent contraindre un malheureux que de le regarder souffrir. Mais tout en cédant à cette discrétion que je savais bien devoir être appréciée par Gustave, je me tins à portée de le secourir, si ses forces succombaient à cet appareil de mort qui m’inspirait presque autant d’effroi qu’à lui-même. Appuyé derrière une colonne dans un coin obscur du souterrain, je pouvais voir à travers la grille l’intérieur du caveau où Gustave venait de pénétrer. Un sarcophage recouvert d’un drap de velours noir brodé d’argent, et entouré de cierges, occupait le milieu de la chapelle ; d’un côté, on voyait enclavés dans le mur différents cercueils, dont les inscriptions, placées au-dessus, apprenaient le nom de ceux qu’ils renfermaient ; de l’autre une cavité profonde indiquait la place qui attendait le cercueil de Stephania. L’inscription en était ébauchée et ces mots : morte à vingt-six ans, n’étaient déjà que trop lisibles.

En approchant du sarcophage, Gustave se prosterna religieusement. Ensuite, saisissant un bout du drap mortuaire, il le porta à ses yeux ; et j’entendis des sanglots s’échapper de son sein.

— Pardon ! s’écriait-il d’une voix étouffée, pardon ! mais c’est à toi-même que je veux le demander ; c’est sur ton front que je veux le lire.

En disant ces mots, il soulève le drap funèbre, et s’apprête