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» — Toi qui sais pour qui je meurs, obtiens-moi le pardon de cette faiblesse. À ta prière, Dieu me l’accordera, et je te devrai dans le ciel le repos qui m’a fui sur la terre.

» Mes yeux s’obscurcissent… Voici la mort… je l’ai appelée, et pourtant je me sens frémir à son approche !… La cruelle va me séparer de toi pour jamais !… Ah ! pourquoi l’ai-je implorée si vite ?… Pourquoi ne t’ai-je pas revu ?… Je t’aurais consolé de m’avoir si injustement outragée. Tant de générosité, d’amour, auraient touché ton cœur, et peut-être ?… Ah ! si je quittais la vie au moment d’être aimée ?… Cette affreuse pensée manquait à mon supplice !… Mais, non… Si ma jeunesse, ma beauté, n’ont pu t’enchaîner qu’un instant, quel charme t’offrirait ce visage flétri par la douleur ?… Hélas ! qui me rendra l’éclat dont je frappai tes yeux ce jour, cet heureux jour où tu me trouvas belle ?…

» Je veux descendre au tombeau, parée de ce même vêtement, de cette même guirlande qui m’attirèrent alors tes regards. Ah ! que ne puis-je les attirer encore sur cette parure funèbre !…

» Quand tu liras ceci, je serai déposée au sépulcre del Foppone, près des tombeaux de ma famille. Un vaste caveau les renferme, en voici la clef. Viens y chercher ton pardon, et mon dernier souvenir. Adieu… La mort glace déjà mes sens, et mon cœur brûle encore… Ton image est devant moi… Elle assiste à mon agonie… Gustave… cher Gustave ! Ah ! malheureux ! que je t’aimais !… »

Après avoir baigné cette lettre des larmes les plus amères, Gustave voulut se lever pour accomplir sur-le-champ le vœu de Stephania ; mais, au moment où il s’élançait de son lit, ses forces lui manquèrent, et il retomba sans mouvement. Je le fis revenir par le secours d’un puissant cordial ; ensuite, profitant de son pieux désir pour le contraindre à recevoir mes soins, je l’engageai à prendre quelque nourriture, et à se calmer assez pour éviter le retour de la fièvre, et se trouver plus tôt en état de sortir.

Il m’obéit ; mais il voulut à son tour m’ordonner le repos, et je lui laissai croire que j’allais me coucher. J’étais depuis une heure dans le salon qui précédait la chambre de mon