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tées par des musiciens français et milanais, se joignaient aux acclamations publiques. C’est au bruit de ces fanfares que le général en chef fut conduit jusqu’à la place du palais archi-ducal, où son logement était préparé. Un dîner de deux cents couverts l’y attendait ; et Gustave, qui devait y assister, vint enfin nous rejoindre pour nous raconter brièvement ses exploits, embrasser son général, et se disposer à la fête du soir.

Je n’avais, pour causer avec lui, d’autre moment que celui où il faisait sa toilette, et je m’apprêtais à l’accabler de questions sur tout ce qu’il avait vu et fait depuis notre séparation ; mais comme il avait, autant que moi, le désir de s’instruire de tout ce qui s’était passé pendant son absence, nos demandes et nos réponses se croisaient d’une étrange manière.

— Monsieur doit-être bien fatigué ?

— A-t-on des nouvelles de Nice ?

— Vous étiez sans doute un de ceux qui défendaient le pont ?

— Comment ! point de lettres ?

— Non, monsieur ; le général en attend ce soir.

— Ah ! nous allions bien, c’est un plaisir de se battre ainsi. Mais voilà un appartement magnifique : chez qui donc sommes-nous logés ici ?

— Chez un banquier fort riche ; il a, dit-on, une belle femme.

— Qui va nous haïr, Dieu sait !

— Ah ! cela n’est pas sûr ; en tout pays, les femmes aiment assez les vainqueurs.

— Oui, ceux qui les défendent, mais des gens couverts du sang de leurs maris, de leurs frères… Fi donc !

— Bon ! elles ont bientôt oublié tout cela.

— Tant mieux pour nous ; au reste, je n’ai point envie de les punir de cette facile clémence, et pourvu que nos Françaises n’en suivent jamais l’exemple, c’est tout ce que je veux. Le général t’a-t-il bien traité ?

— À merveille !

— Il m’a paru fort content de toi, et m’a remercié de tes soins.