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» — Ah ! vous voulez des habits neufs ? Eh bien, l’on vous en donnera. Vous aurez l’air, il est vrai, de nouvelles recrues ; et demain l’on ne distinguera plus les vainqueurs de Millesimo des nouveaux débarqués de Paris ; mais puisque vous le voulez ?…

» — Nous ne le voulons plus, s’écrièrent-ils tous à la fois, gardez vos habits neufs ceux-là sont assez bons pour aller jusqu’à la première victoire. »

Et ils se retirèrent enchantés de n’avoir rien obtenu, et fiers de pouvoir se montrer, le lendemain, en montant a l’assaut, couverts des nobles guenilles, témoins de leurs triomphes.



XXXVI


Les trois semaines qui suivirent celle-ci furent employées par nous de la même manière. Avançant toujours dans un pays magnifique, nous battant souvent, triomphant sans cesse, les villes s’offraient à nous, en même temps que les souverains effrayés nous cédaient leurs forteresses et leurs trésors. Cette façon de faire la guerre nous paraissait fort douce. Gustave, en se distinguant à chaque bataille, avait échappé au malheur d’être blessé. Le général Verseuil, charmé de sa conduite, avait pour lui une estime particulière. Causant avec les soldats, buvant avec les officiers, mon jeune maître était bien venu de chacun ; aussi était-il de tous les repas joyeux, comme de toutes les expéditions périlleuses. Au milieu d’une vie si active, il trouvait encore le temps d’écrire de longues lettres à Paris, et des billets fort tendres à Nice. Ceux-ci étaient confiés au courrier de M. de Verseuil, et simplement adressés à mademoiselle Julie. J’étais l’auteur apparent de cette amoureuse correspondance, dont je payais le secret si généreusement, que l’on pouvait à bon droit soupçonner ma probité de valet de chambre.

Pendant que mon maître se liait avec les gens les plus importants de l’armée, je faisais connaissance avec les subalternes les plus intéressants. Quelques petits présents, faits