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ponts et garni les bords de fortes batteries. Nous aurons de la peine à le débusquer de là.

— Surtout avec des troupes aussi fatiguées que les miennes, répondit le général Verseuil.

— Vous n’avez pourtant pas fait beaucoup de chemin.

— Non ; mais avec des chevaux mal nourris et des soldats pieds nus, on ne marche pas vite, et l’on arrive éreinté.

— Allons, allons, ne parlez pas de cela, reprit Masséna. Je vais tâcher de vous faire donner quelques provisions et un logement dans les granges du village de Lazegno. Là, vous pourrez dormir quelques heures, et nous vous dépêcherons ensuite vers le général en chef.

En disant ces mots, Masséna donna ses ordres à un aide de camp, qui nous caserna dans les granges promises, comme on range des moutons dans une bergerie. Le coin le moins sale fut réservé aux officiers et à leur suite ; et là nous trouvâmes, sur de la paille fraîche, un profond sommeil et l’oubli de nos fatigues.

Un roulement de tambour nous arracha trop tôt aux douceurs du repos. Il fallut s’habiller à la hâte et remonter à cheval. Le général Colli, craignant l’issue d’un combat décisif, venait d’opérer sa retraite sur Mondovi. Un officier de Bonaparte eu apportait à l’instant même la nouvelle, avec l’ordre de se porter, sans perdre de temps, sur les pas de l’ennemi.

— Que penses-tu de ce début ? me dit Gustave en mettant son habit.

— Eh mais ! cela s’engage assez bien, répondis-je ; et, si la victoire se charge du dénoûment, ce sera le mieux du monde.

— Pourvu que nous puissions rencontrer l’ennemi.

— Ah ! quand il fuirait ainsi devant nous jusqu’à Rome, il n’y aurait pas grand mal.

— Ni grande gloire non plus ; et c’est de la gloire qu’il nous faut pour faire oublier nos troubles et nos crimes à l’Europe.

La raison était sans réplique, et je tombai d’accord qu’il fallait couvrir nos échafauds de lauriers.

L’occasion d’en cueillir ne se fit pas attendre. Le bruit du