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un fait essentiel à communiquer… ; écoutez la vérité, vous prononcerez ensuite… » Les murmures ne lui permettant pas de continuer, il descend de la tribune et se précipite au milieu de la salle ; il parle avec véhémence à le Sage-Sénault, qui lui répond par des gestes menaçants ; Isnard se porte sur lui, plusieurs membres accourent pour les séparer ; le tumulte est à son comble ; je crois qu’ils vont s’égorger ; mais le président se couvre, et le calme renaît. J’avoue que l’effet subit de ce talisman sur des hommes en délire, me causa une surprise mêlée d’admiration. Ce qu’une compagnie de gendarmes n’aurait pu obtenir de ces furieux, un simple geste du président venait de l’opérer ; mais c’était le signal qui rappelait à l’ordre ceux qui s’en écartaient ; tous avaient volontairement juré de le respecter, et les plus révoltés, se soumettant les premiers à l’arrêt qui les condamnait au silence m’offrirent un exemple frappant du pouvoir de la loi sur des hommes libres.

Le président profita du calme qui succéda à l’orage pour adresser à l’assemblée un discours qui commençait ainsi :

« Je rappelle aux membres du conseil qui ont troublé la délibération par la scène la plus scandaleuse, qu’ils doivent faire taire leurs passions devant les grands intérêts de la patrie, et que le calme de la raison, le sang-froid de la sagesse, doivent toujours présider aux discussions des représentants de la nation. »

Paroles mémorables qu’on devrait écrire en grosses lettres sur la porte de toutes les assemblées délibérantes !

Pendant que le président s’exprimait avec tant de dignité et de raison, j’examinai l’effet que produisait son discours sur les différents visages, et j’en remarquai particulièrement un dont les traits réguliers, l’air digne et patriarcal annonçaient une âme pure.

Je parierais, dis-je à Silvestre que cet homme-là n’a pas à se reprocher une mauvaise action.

Et vous gagneriez, répondit-il avec enthousiasme ; car jamais plus de vertus privées ne se sont rencontrées avec autant de vertus publiques. Courageux sans faste, résigné sans faiblesse, éloquent sans déclamation, on sait d’avance, lorsqu’il demande