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journaux (qui, sous tous les gouvernements possibles, ne sera jamais du goût des auteurs ni des ministres) avait occasionné ces nouveaux débats. Mais ce fut vainement que le poëte tragique tenta de convaincre rassemblée du danger qu’il y avait pour la sûreté de l’État, à permettre qu’un misérable folliculaire pût, du haut de son grenier, tonner contre les actions d’un homme en place, ou plaisanter sur la disgrâce d’un auteur tombé. Malgré ces déclamations en faveur d’une mesure que l’intérêt particulier réclamait, comme de coutume, au nom de l’intérêt général, Chénier, combattu victorieusement par les premiers orateurs du conseil des cinq-cents, eut le déplaisir de voir la majorité des suffrages couronner d’un plein succès le discours de M. de Pontécoulant, qui demanda et obtint l’ordre du jour sur toutes les propositions tendant à prohiber la liberté de la presse. Ce triomphe lui avait valu les honneurs de la présidence ; et peu s’en fallut qu’elle ne lui devint funeste à la séance où j’assistai, car jamais je n’ai vu un semblable désordre. On s’occupait alors des troubles du Midi ; l’assemblée avait nommé une commission pour examiner les faits et lui en rendre compte ; mais dans l’état d’exaltation où ces affreux événements mettaient tous les esprits, on ne pouvait espérer sur ce sujet un rapport impartial. C’est ce qui avait déterminé plusieurs membres à demander la suppression de la commission. Un petit homme brun, dont la voix sonore se faisait parfaitement entendre de toutes les parties de la salle, fut un des premiers qui proposa de rapporter l’arrêté en vertu duquel la commission avait été crée. Aussitôt ceux qu’une telle proposition semblait injurier se précipitèrent vers la tribune, en demandant la parole. Mais M. Treilhard, sans être ému de ce mouvement, n’en continua pas moins son discours jusqu’à ce qu’il eût déduit toutes ses raisons pour motiver la mesure qu’il réclamait. Tant de sagesse et de fermeté ne firent qu’irriter les partisans de la commission, parmi lesquels se trouvait un assez grand nombre de Provençaux et de Languedociens fortement compromis dans tous ces troubles, par leurs familles ou leurs amis. Isnard, un des plus intéressés à justifier lui et les siens, dans cette circonstance, s’écriait à tue-tête : « J’ai