Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un si beau nom, ne m’avaient pas moins fait rire que le mouvement oratoire du député qui s’écria l’instant d’après : Montagne[1] inébranlable ! reste à ton poste. Cette pressante invitation avait excité les plus vifs applaudissements ; et lorsque je me permis quelques réflexions critiques sur ce genre d’éloquence, un de mes voisins me dit :

— Quoi, citoyen ! tu ne trouves pas cela beau ! tu ne conviens pas de la justesse de cette figure ! Qu’y a-t-il de plus inébranlable qu’une montagne ? et si elle est inébranlable, ne faut-il pas nécessairement qu’elle reste à son poste ? Vraiment la phrase est admirable, et il faut être un aristocrate, un mauvais citoyen, un modéré, pour ne pas la trouver juste.

Ce raisonnement judicieux, et le discours qui en avait fourni le sujet, revenaient malgré moi souvent à ma mémoire ; j’avais peine à me figurer que les nouveaux orateurs appelés à cette même tribune n’eussent pas conservé quelques traits du génie héroï-comique de leurs prédécesseurs, et je m’apprêtais à en rire comme j’avais osé le faire autrefois ; mais la séance, à peine commencée, captiva si bien mon intérêt que je perdis tout souvenir de celle qui m’avait paru si ridicule. Parmi les quatre secrétaires placées au-dessous du président, je reconnus un petit homme maigre, à figure de chat, que je me souvins d’avoir vu pendant mon séjour en Bretagne, où il venait assez souvent visiter sa famille et recueillir les suffrages de ses compatriotes. Ils vantaient justement, en M. Lemerer, un talent remarquable, et prétendaient que son discours sur la liberté de la presse, servirait de modèle à tous les défenseurs présents et futurs de cette liberté, sans laquelle il n’en est aucune.

On venait de discuter, quelques jours avant, cette grande question, vivement défendue par la force des raisonnements de M. Pastoret et l’éloquence de M. Jourdan, des Bouches-du-Rhône.

        « Qui depuis… Mais alors il était libéral. »

Une motion de Chénier, tendant à prohiber la liberté des

  1. On appelait ainsi le côté gauche de l’assemblée.