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venu prendre un paquet dans la voiture qui se trouvait à quelque distance de la sienne.

— Et tu n’as pas demandé qui était blessé ? lui dis-je, bouillant d’impatience.

— Non vraiment, j’avais ordre de ne pas bouger de là ; mais si vous n’avez pas peur d’être grondé, allez-y voir vous-même, ils ne sont pas loin d’ici.

Pendant que j’écoutais ce nigaud, M. de Léonville m’avait devancé, je le voyais près d’atteindre un groupe d’hommes qui paraissaient tous occupés à secourir la même personne. N’osant trop approcher d’eux, je me tins à l’écart ; mais sans perdre de vue M. de Léonville, dont le premier mouvement allait combler ou dissiper mon inquiétude. Je respirai quand je le vis considérer tristement celui qu’on transportait. Est-ce ainsi qu’il eût abordé Gustave ? En effet, c’était ce pauvre M. Dolivar qui, ayant reçu une balle dans la cuisse, avait désiré qu’on le transportât à Passy chez un de ses amis pour lui épargner les souffrances d’un plus long trajet. Gustave aidait à le soutenir du seul bras dont il pût disposer ; car il avait été blessé à l’autre du premier coup tiré par M. Dolivar ; et tous vantaient le courage qui lui avait fait surmonter la douleur de cette blessure pour s’en venger plus sûrement.

Dès que M. Dolivar fut confié à son ami et au chirurgien qui devait le panser, Gustave et ses témoins revinrent auprès de M. de Léonville. Il était resté dans le bois ; je l’avais rejoint ; et je jouis du plaisir de le voir embrasser son jeune ami avec toute la tendresse d’un frère.

— Mais par quel hasard vous trouvez-vous ici ? dit Gustave ; j’avais pourtant bien pris toutes mes précautions pour vous éviter.

— Il est certain que sans le zèle de ce brave garçon, dit M. de Léonville en me montrant, le meilleur de vos amis aurait été le dernier instruit de l’événement.

— Ce bon Victor m’a trahi ; j’aurais dû le deviner, reprit Gustave en s’approchant de moi, tandis que M. Samson racontait avec enthousiasme les détails de l’affaire à M. de Léonville. D’après ce récit, que le colonel Durocber appuyait du plus flatteur témoignage, mon maître venait de s’acquérir