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M. de Montvilliers avait appris l’arrivée de M. de Lorency ; il venait le voir et faire ses adieux à sa famille, car il retournait à sa terre, où il devait passer l’hiver, eu dépit de tout ce que M. Brenneval tentait pour l’en détourner.

— Pourquoi donc vous exiler ainsi volontairement, disait-il, quand vous pourriez vivre si agréablement à Paris ?

— Sans doute, je serais fort heureux près de vous, près de ma chère Ermance, répondait-il, mais il me faudrait voir toutes vos puissances du jour, et je les déteste. C’est un tort, je m’en accuse ; il y a de fort belles choses et des gens supérieurs mêlés à tout cela, mais le fond et la forme m’en déplaisent. Je suis trop vieux pourvoir tout sacrifier à la gloire d’un homme : si c’était à celle du pays, passe encore !…mais vous verrez ce qui restera de tous ces prodiges !

— Pourquoi M. Robergeon n’est-il plus là pour vous répondre ! s’écria M. de Maizières ; vous seriez confondu par l’éloquence de sa peur ; il vous forcerait bien de convenir que celui qui le pensionne est le plus grand homme de tous les siècles.

— Et j’en conviendrais sans peine, reprit M. de Montvilliers ; je ne nie point ses talents, son génie même ; mais je crains qu’à force de faire tuer ses admirateurs il lui en reste peu.

— Que voulez-vous, mon cher président, cela vaut mieux que la guillotine, dit madame de Cernan, et il faut bien finir par se rallier au pouvoir qui a ramené l’ordre : nous avons fait longtemps bonne contenance, mais quand l’Europe entière cède, nous pouvons bien nous rapprocher. Et puis, sauf le ridicule de quelques soldats courtisans, de quelques vieux terroristes devenus des flatteurs, je vous affirme que la cour est assez bien composée ; nos anciennes familles commencent à y venir ; et, si une fois elles l’adoptent, elles l’auront bientôt débarrassée de tous ses parvenus.

— À commencer par le maître, dit en riant M. Brenneval ; je m’en fie bien à elles pour cela.

— C’est lui ! s’écria tout à coup Ermance, qui n’écoutait point la conversation et dont les regards étaient fixés sur la grande route.