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— Moi, penser mal de vous ! s’écria madame Donavel en prenant la main d’Ermance ; ah ! je suis loin d’avoir un pareil tort ! et c’est parce que je connais mieux que personne la pureté de votre cœur, la sagesse de votre conduite, que je ne veux pas que vous donniez à ce monde méchant la moindre occasion de les calomnier.

À ces mots, l’oppression qu’éprouvait Ermance faillit la suffoquer.

— Pardonnez-moi, continua madame Donavel, d’oser vous parler ainsi, vous donner des conseils ; mais on ne peut vous voir souvent sans prendre une vive affection pour vous, sans désirer vous être utile. Mon âge, mes sentiments, ceux de mon mari pour le vôtre, je fais de tout cela des droits presque maternels : laissez-moi les exercer.

— Ah ! madame, dit Ermance en fondant en larmes, croyez que tant de bonté me pénètre ; mais pourquoi ne m’avoir pas éclairée plutôt !…

— Mon Dieu, que je m’en veux de vous affliger ainsi ! répliqua la comtesse… Je n’ai pourtant rien dit qui dût vous faire craindre d’avoir perdu de l’estime que vous méritez. Ne voit-on pas tous les jours une jolie femme inspirer de l’amour à un jeune homme agréable, sans se croire obligée d’y répondre, et sans vouloir sacrifier sa réputation au plaisir de recevoir des soins qui flattent plus l’amour-propre que le cœur ? Non, rassurez-vous, le sentiment un peu fastueux de M. de Kerville a été jugé ici comme toutes les choses dont on fait parade ; sa légèreté connue, son ton, ses dépits jaloux n’ont pas semblé des séductions capables d’entraîner la femme de M. de Lorency, de l’homme le plus aimable de France ; mais ce n’est point assez que chacun pense comme moi sur votre compte, il ne faut pas qu’il parvienne le moindre mot sur ce sujet à votre mari. Je le connais depuis plus longtemps que vous : tout en rendant justice à votre conduite il serait implacable pour l’homme dont on mêlerait le nom au vôtre dans un caquet semblable. C’est pourquoi j’avertis votre prudence, et vous supplie de paraître heureuse.

— Heureuse ! répéta Ermance avec un sourire amer, je ne