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ne lui a-t-il pas donné une âme qui comprit la mienne !… » Puis, se consolant par un sentiment commun à tous les hommes, l’indifférence de sa femme lui parut un sûr garant de celle qu’elle aurait pour tout autre que lui, et il se décida à la traiter avec tous les égards dus à une femme estimable.

Cette résolution était la moins propre à ramener l’esprit romanesque d’Ermance ; elle aurait pardonné à son mari les reproches, les soupçons que devait faire naitre l’excès de sa froideur ; elle conserva un vif ressentiment de sa résignation à la supporter.

On était au printemps de l’année 1809, Adhémar allait suivre son général en Allemagne, où de nouveaux succès attendaient notre armée. M. Brenneval, que des affaires importantes appelaient à Hamboug, proposa à M. de Lorency de conduire Ermance à Aix-la-Chapelle. Madame Donavel devait y rester pendant la saison des eaux ; il s’engageait à venir les reprendre toutes deux à son retour. Ce projet fut approuvé d’Adhémar, qui s’étonna d’éprouver quelque regret à l’idée de quitter sa femme et son beau-père. Cependant M. Brenneval n’était pas ce qu’on appelle un homme aimable ; mais le calme de ses manières, l’emploi honorable qu’il faisait de son immense fortune, et son goût pour les gens comme il faut, rendaient sa présence assez agréable à M. de Lorency, qui craignait par-dessus tout un long tête-à-tête avec Ermance.

Elle venait d’être présentée à la cour, et l’amour-propre d’Adhémar avait été vivement flatté de l’admiration qui s’était manifestée de toutes parts en la voyant si richement parée et si belle. Dès que la duchesse d’Alvano l’aperçut ainsi éblouissante, elle conçut encore plus de crainte que d’envie. Son arrêt lui parut gravé sur ce front noble où les yeux d’Ahémar se reposaient avec tant de complaisance ; une épreuve de plus, et madame de Lorency devenait l’idole des desservants de la mode. Adhémar, éclairé par leurs adorations, ne tarderait pas à y joindre la sienne. À cette supposition, Euphrasie sent son cœur dévoré par les tourments de l’humiliation, du doute, de la jalousie, tous les supplices de l’enfer lui semblent préférables à celui qu’elle pressent : la perte de sa considération,