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l’avait déjà déterminée à se rendre près d’elle. M. Brenneval venait de prendre la fuite en livrant ce qui lui restait et tous les biens de sa fille à ses créanciers. Une lettre, adressée par lui au président, le chargeait d’apprendre à Ermance que, ne pouvant plus se présenter devant elle, devant son mari, après l’avoir ainsi entraînée dans sa ruine, il ne les reverrait plus.

Dans ce temps de détresse, où les armées ennemies allaient atteindre les murs de Paris, où le désordre, la terreur régnaient dans toute la France, chaque jour était marqué par la ruine ou le désespoir de quelque famille, et la multiplicité des événements qu’on avait à déplorer y rendait presque insensible. En effet, qu’était la ruine d’un particulier en comparaison de celle de l’empire ? qu’était la mort d’un enfant auprès de celle des trois fils de la même mère, tués sur le même champ de bataille ?

Dans tout autre moment, M. de Montvilliers n’aurait pu se résigner à porter ce dernier coup à sa nièce ; mais il lui sembla que, dans l’accablement où elle était plongée depuis la mort de Léon, elle ressentirait moins vivement la ruine de son père et tous les malheurs qui s’y rattachaient. En effet, cette triste nouvelle ne parut point la frapper, elle la reçut avec la résignation d’une douleur parvenue à un si haut degré que rien n’y saurait ajouter.

Cependant, M. de Montvilliers crut de son devoir d’instruire Adhémar de la fuite de M. Brenneval, et de l’imprudence qu’avait commise sa femme en compromettant sa fortune dans le vain espoir de sauver son père.

Après une nuit entière passée à chercher les moyens d’adoucir l’effet d’une si triste nouvelle, le président fit demander à M. de Lorency s’il pouvait le recevoir. Adhémar hésita quelques moments avant de répondre, puis ayant l’air de prendre avec lui-même une grande détermination, il fit dire au président qu’il l’attendait.

— Je pressens, monsieur, dit-il en faisant asseoir le président près de lui, le motif qui vous fait désirer cette conversation ; je l’aurais déjà moi-même sollicitée de vous, si ma