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le rideau, arrache le drap qui le couvre, croit à force d’air combattre le mal qui l’étouffe… Mais l’agonie a cessé ! un morne silence succède à la respiration hâtive et bruyante… la tête de l’enfant est retombée sur le sein de sa mère !… Elle fixe sur ce visage d’ange des yeux égarés, serre une main qu’elle sent se glacer dans la sienne, et reste immobile devant la mort.

Déjà prés d’une demie-heure s’était écoulée sans qu’Ermance eût changé d’altitude ; ses nerfs, violemment contractés, lui donnaient une force factice qui tenait du prodige ; pas un soupir, une larme, ne montrait sa douleur, elle ne la sentait pas encore.

Tout à coup une porte s’ouvre ; un homme, qui se soutient avec peine, se traîne jusqu’auprès d’Ermance : c’est Adhémar ; il l’appelle ; sa voix, cette voix si chère ne la sort point de sa rêverie funèbre… Il s’approche et saisit son bras en l’appelant encore ; ce mouvement la rend au désespoir : à ce délire du malheur, où les visions et le vrai se confondent, elle a reconnu Adhémar, et le repoussant avec tous les signes d’une vive terreur, elle remet l’enfant sur son lit, s’attache à lui comme pour le défendre, et s’écrie d’une voix forte et tremblante.

— Viens-tu me l’enlever ?… viens-tu assouvir ta vengeance ?… Ah ! n’approche pas… laisse-le moi… laisse-le moi, te dis-je… il est mort…

À ces mots, prononcés avec l’accent du plus horrible désespoir, Adhémar sent que ses forces l’abandonnent : il tombe presque anéanti sur le siége que vient de quitter Ermance ; il voudrait lui parler, tenter de calmer sa terreur, mais les paroles expirent sur ses lèvres.

— Tu hésites ?… continue Ermance, que l’apparition subite d’Adhêmar maintient dans son égarement : je te fais pitié… Eh bien je ne la mérite pas, cette pitié qui t’arrête… Parjure à mon serment fait devant Dieu, parjure à tous mes devoirs, je t’ai indignement trompé ; tu me dois ta colère, ton exécration. Tue-moi, venge-toi… si tu le peux ! car je ne t’aime plus… toi qui ne saurais le pleurer avec moi. Oui, je le sens,