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vois sans les engagements qu’il me faut remplir dans vingt-quatre heures, sous peine d’être déclaré moi-même en faillite ; mais c’est une honte dont je ne souffrirai pas… non, il m’en coûtera moins de mourir !

— Que dites-vous, mon Dieu ! quelle affreuse pensée ! N’est-il donc aucun moyen de parer à ce coup ?

— La somme est trop considérable, et d’ailleurs pourquoi t’entraîner dans ma perte ?

— Pour vous sauver, quel sacrifice ne ferais-je pas, mon père ? Ah ! disposez de tout ce qui m’appartient. N’est-ce donc pas vous qui me l’avez donné ? Mais calmez-vous, parlez-moi avec confiance, dites comment je puis vous secourir, que j’emporte au moins l’assurance de votre tranquillité dans le triste voyage que je vais faire ! Ce serait trop de craindre pour vous deux…

En disant ces mots, Ermance embrassait son père et le baignait de ses larmes.

M. Brenneval, encouragé par le dévouement de sa fille, lui fit l’aveu des spéculations imprudentes qu’il avait entreprises dans l’idée que la guerre aurait une autre issue, et des engagements qu’il avait pris, ne soupçonnant pas la crise affreuse que nos revers feraient éprouver à la Banque, et la quantité de faillites qui devaient s’en suivre. Enfin, les biens considérables dont il avait doté sa fille pouvaient seuls offrir un nantissement suffisant aux prêteurs des sommes dont il avait besoin pour faire honneur à sa signature. Dans cette extrémité, Ermance se rappela la procuration de son mari, cet acte qui l’autorisait à disposer de sa fortune. Son père était décidé à se brûler la cervelle s’il ne trouvait pas un moyen de sortir de la situation où il se trouvait : pouvait-elle hésiter ?

La procuration, la signature indispensable qui la dépouillait en faveur des créanciers de M. Brenneval, tout fut offert et donné avec cette irréflexion attachée à l’excès du malheur. Qu’importe la perte de sa fortune à la personne qu’un regret éternel menace ! Ermance ne fut pas même généreuse en signant sa ruine : loin d’avoir l’idée du sacrifice qu’elle faisait,