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sation, et vous n’aurez plus qu’à supporter le dédain ou l’envie des femmes qui n’auraient jamais eu la vertu de négliger une si belle occasion ; enfin, ma chère enfant, ne faites rien à ce sujet sans m’en prévenir ; peut-être ai-je été mal informée, et vous jugez combien il serait ridicule d’usurper l’honneur d’un refus digne d’une Romaine, si l’empereur ne pense pas à nous.

Ce doute, émis avec adresse par madame de Cernan, n’en laissa plus aucun à Ermance sur la reddition des bois de la famille Lorency. Bien qu’elle fût certaine que cette faveur n’était que la récompense des services d’Adhémar, et peut-être aussi de la dernière mission dont l’empereur venait de le charger, elle s’inquiéta vivement de la coïncidence de cet événement avec les conjectures auxquelles la conversation du bal donnait lieu, et résolut de s’en remettre à la sagesse de M. de Montvilliers pour la diriger dans cette affaire délicate.

— Je conçois que l’avis de madame de Cernan, dit-il, vous ait paru suspect, car il était visiblement dicté par son intérêt personnel, et voilà comme les choses raisonnables perdent de leur crédit ; si elle avait appuyé ses conseils sur la facilité de vous mettre à l’abri de tout soupçon flétrissant par votre conduite à la cour, par le soin de n’y paraître que dans les occasions indispensables, et d’éviter toutes celles qui vous rapprocheraient de l’empereur, si elle vous avait dit cette vérité connue de tout Paris : que, s’il a parfois recompensé la faiblesse de quelques femmes pour lui, il n’a jamais tenté de les obtenir par des offres humiliantes, vous auriez été convaincue de la cessation prochaine des propos qui vous importunent aujourd’hui, et que vous seule pouvez accréditer ou détruire sans retour. Ah ! vraiment, la condition des femmes serait par trop malheureuse, si leur honneur dépendait ainsi du caprice de la médisance ; rassurez-vous, mon enfant, si méchant que soit le monde, il ne nous ferait pas grand mal si nous n’étions pas si souvent son complice.