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dans ce moment même, aurait pu dissiper toutes les craintes d’Adhémar. Convaincue de la présence de son mari à ce bal, elle repassait dans sa mémoire tout ce qu’elle avait dit, et regrettait qu’il ne l’eût pas entendu ; mais les bruits les plus offensants devaient être seuls parvenus aux oreilles d’Adhémar ; il n’ignorait pas sans doute les conjectures que son entretien avec le domino bleu avait fait naître ; l’émotion qui dominait le comte Albert avait dû lui sembler la preuve qu’il parlait de son amour ; on l’écoutait : n’en était-ce pas assez pour exciter la colère d’Adhémar ?

— Je commence à croire que tu ne t’es point trompée, dit le président à sa nièce lorsqu’ils furent seuls ; on aura fait répandre le bruit qu’il allait à Constantinople, pour mieux dissimuler le but de sa mission secrète ; peut-être lui-même n’a-t-il su qu’en route sa vraie destination. Mais non… il tenait ses instructions du maître lui-même, et c’est sans doute d’accord avec lui qu’il nous a dit aller en Turquie. Le fait est que tu n’as reçu aucune lettre depuis son départ.

— Hélas ! ce ne serait pas une raison, répondit Ermance d’un ton triste ; mais M. de Maizières et madame de Cernan n’en ont pas reçu davantage, et cela est une preuve de plus.

— Si tu lui écrivais qu’abusé par l’apparence il t’accuse injustement…

— Eh ! le puis-je ? s’écria Ermance ; ne me suis-je pas ôté tout moyen de réclamer contre une injustice ? Quel mal pensera-t-il de moi, dont je n’aie mérité le soupçon ? Il faut avoir une conscience pure pour repousser dignement l’injustice ; l’innocence présente est sans pouvoir contre le souvenir d’un tort qui nous a ravi pour jamais notre estime. Lors même que je tenterais de détruire ses soupçons, y parviendrais-je ? ne m’accusera-t-il pas d’avoir recours à une misérable ruse, à un moyen employé par toutes celles qui trompent ? croira-t-il que je ne l’écoutais que dans l’espoir de le déterminer à épouser mon amie ? Non ; je m’avilirais à ses yeux, sans profit pour sa tranquillité, et, je vous l’avoue, je préfère sa fureur, sa vengeance et tous les malheurs qui en peuvent résulter, à l’idée de me voir assimilée par lui aux femmes qui cherchent