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sée. Ayant prévu que sa présence à Champville empêcherait toute liaison intime entre sa tante et madame de Lorency, il avait presque cessé d’y venir ; mais pendant le court séjour qu’il y faisait il tâchait d’apprendre par Natalie tout ce qu’avait fait et dit Ermance : c’est ainsi qu’il connaissait les fleurs qu’elle préférait, le livre qu’elle avait projeté de faire venir de Paris, le dessin dont elle avait besoin pour une nouvelle broderie, et plusieurs petites choses de ce genre, qu’Ermance trouvait chaque jour sur la table de son salon sans savoir qui les lui envoyait. Il y avait tant de grâce, tant d’à-propos dans ces soins mystérieux, que le soupçon en devait tomber naturellement sur Natalie ; d’ailleurs elle s’en défendait avec une sorte d’embarras propre à l’affermir. Cependant, madame de Lorency ayant trouvé un jour dans son album un charmant dessin à l’aquarelle, représentant un des plus jolis endroits du parc de Champville, où deux femmes à demi voilées se promenaient, elle crut reconnaître dans ces deux figures gracieuses elle et Natalie, et la remercia dans les expressions les plus tendres d’avoir pensé à lui donner un si précieux souvenir. Mais, en lui parlant de sa reconnaissance, elle fut frappée de voir les yeux de son amie se remplir de larmes. D’abord vivement émue elle-même, Ermance crut que ces larmes n’étaient point celles de la tristesse ; mais la pâleur subite, l’expression douloureuse répandue sur les traits de Natalie ne lui permirent pas de rester plus longtemps dans cette douce illusion. Impatiente d’apprendre ce qui pouvait causer cette altération, elle la questionne ; mais en vain ; Natalie s’obstine à lui répondre qu’une violente douleur à la poitrine a causé l’oppression qu’elle éprouve, le sourire revient sur ses lèvres ; elle embrasse Ermance en disant :

— Si vous saviez à quel point je vous aime !

Puis, s’élançant hors du salon, elle rejoint sa voiture avant qu’Ermance ait eu le temps de la retenir.

On avait des nouvelles de l’arrivée d’Adhémar à Constantinople ; il devait y rester tout l’hiver, et madame de Lorency, goûtant chez son oncle le seul bonheur dont elle pût jouir, espérait y rester tout le temps que durerait l’absence de son mari,