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Madame de Volberg avait amené ce jour-là avec elle une jeune personne de ses parentes, pour laquelle elle témoignait tous les sentiments d’une mère. Mademoiselle Ogherman, née à Hambourg pendant l’émigration, était fille unique d’un riche négociant de cette ville chez lequel sa famille avait trouvé un asile pendant nos troubles, et que sa mère, quoique d’une des plus anciennes maisons de France, avait été fort heureuse d’épouser pour assurer son existence et celle de toute sa famille. Ayant perdu sa mère à l’âge de dix ans, Natalie avait été confiée aux soins de la comtesse de Sh…, sa plus proche parente : M. Ogherman avait cédé sans peine à ce désir de sa femme mourante, car le soin de ses nombreuses affaires et la nécessité de faire souvent des voyages ne lui permettaient pas de surveiller l’éducation d’une jeune fille. Ce fut un malheur. Natalie, déjà élevée par sa mère dans l’orgueil de sa famille maternelle et dans le dédain de celle de son père, prit chez madame de Sh… l’habitude de vivre dans un monde élégant où les amis de son père et leurs manières communes étaient tournées en ridicule, et où le préjugé de la naissance avait trop d’empire pour qu’elle n’eût pas elle-même à en souffrir.

Cependant la beauté, les talents agréables de mademoiselle Ogherman, et la fortune qu’elle devait avoir un jour, lui avaient déjà attiré plusieurs propositions de mariage très-avantageuses ; mais, quoiqu’elle eût bientôt dix-neuf ans, elle n’avait pu se décider pour aucun de ces partis. La comtesse de Sh…, lui en faisait souvent des reproches : alors Natalie donnait pour prétexte sa santé, qui en effet s’altérait chaque jour, à tel point que les médecins lui ordonnèrent un voyage en Italie, espérant que l’air pur de ce beau climat la rétablirait. Le comte Albert était alors secrétaire d’ambassade à Naples, sa mère saisit avec empressement cette occasion d’aller passer quelque temps avec lui. C’est là que madame de Volberg avait rencontré sa sœur, et que mademoiselle Ogherman, ayant témoigné un vif désir de voir la France, avait été confiée aux soins et à l’amitié de la tante d’Albert.

L’expression charmante du visage de Natalie, la souffrance