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chevet de notre lit, pour se venger des outrages de la journée ! Ermance n’avait rien à en craindre. Quel tort, quel malheur la triste vérité pouvait-elle lui dévoiler dont elle n’eût pas pleuré d’avance.



XXXVIII


Ermance était sortie du salon à ce moment de la soirée où le jour baissant ne permet plus de continuer un ouvrage et où il ne fait pas encore assez nuit pour demander de la lumière ; elle avait suivi lentement l’allée tournante qui menait à un bois de jeunes frênes, sa promenade favorite : à peine y eut-elle fait quelques pas que le bruit de feuilles sèches, déplacées vivement, la fait tressaillir ; elle s’arrête…, n’entend plus rien…, et, ne doutant pas que sa marche n’ait fait fuir une des biches renfermées dans le parc, elle continue à se promener dans l’épaisseur du bois, guidée par la lueur de quelques vers luisants qui, placés à de grandes distances, ressemblaient aux lampions dont on éclaire le chemin qui conduit à une fête. Sa démarche est plus vive, car elle a eu peur, et le désir de surmonter une sensation qu’on n’ose s’avouer fait qu’on prend ordinairement un air intrépide ; sa robe blanche, le châle dont elle vient de recouvrir sa tête pour la garantir du serein, lui donnent l’air d’un fantôme. Albert la voit passer près de l’églantier qui le cache, et cette apparition inattendue frappe son imagination exaltée.

— C’est elle ! s’écrie-t-il, cédant à l’émotion qui l’emporte.

Puis, retenu par l’idée de la frayeur qu’il peut lui causer, et craignant d’être accusé d’avoir calculé toutes les chances que lui offrait une semblable surprise, il reste immobile, préférant partir sans la voir plutôt que de lui laisser soupçonner qu’il pense à la compromettre ou à profiter de son effroi. Mais ces mots, quoique prononcés à voix basse, ont frappé l’oreille d’Ermance.