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se serait cru calomnié d’une manière outrageante. Débaucher, corrompre la femme de son ami ! quelle horreur ! il s’en croyait sincèrement incapable, et pourtant le soin continuel qu’il prenait d’instruire Ermance des infidélités de son mari et de lui répéter que la jalousie seule pouvait le ramener à elle ne devait-il pas la conduire à ce but ?

Mais si le malheur d’Ermance la garantissait d’un tel piége, l’amour du comte Albert devait s’y laisser prendre. À force d’entendre dire que madame de Lorency ferait bien de se venger de l’abandon d’Adhémar, il se flatta de pouvoir l’en consoler ; mais il faillait parvenir à la convaincre de la passion profonde qu’elle lui inspirait, et le peu d’occasions qu’il avait de la rencontrer depuis qu’elle n’allait plus dans le monde rendait l’aveu de ses sentiments bien difficile. N’ayant pu s’abuser sur la manière aussi froide que polie dont M. de Montvilliers avait accueilli ses dernières visites, il n’osait en risquer une nouvelle. Cependant une faible espérance engage le comte Albert à braver la sévérité du président pour s’assurer qu’Ermance ne la partage point. Il vient un jour, accompagné de sa tante, au château de Montvilliers. Madame de Volberg, sœur de madame de Karlveld, était une ancienne connaissance du président, et elle espérait qu’en souvenir de son aimable sœur il accepterait l’invitation qu’elle venait lui faire. Il devait y avoir dans quelques jours une grande partie de chasse sur ses terres ; ce plaisir devait réunir chez elle plusieurs personnes distinguées des environs ; on danserait le soir, on y jouerait des proverbes, et madame de Volberg insista beaucoup pour que madame de Lorency et son oncle fussent de cette fête champêtre ; mais Ermance, donnant pour prétexte la santé de son oncle, celle de son enfant, témoigna le regret de ne pouvoir se rendre à l’invitation de madame de Volberg.

Comme le président venait de dire, quelques moments auparavant, qu’il se portait à merveille, et qu’Ermance avait répondu aux questions pleines d’intérêt de madame de Volberg sur le petit Léon, que sa santé ne lui donnait plus aucune inquiétude, le comte Albert ne put se méprendre sur le véritable motif du refus de madame de Lorency. Ainsi donc, elle