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le piquant de son esprit n’en faisait pas toujours excuser la légèreté intempestive.

Ermance le supplia de ne point faire de conjectures sur la personne à qui elle devait de n’avoir point partagé le sort de la malheureuse princesse de Schwartzemberg et de ne pas l’exposer surtout à l’embarras d’en témoigner sa reconnaissance à quelqu’un qui n’aurait pas seulement pensé à elle. Cependant, revenue de son trouble et de l’inquiétude qu’elle avait eue pour Adhémar, elle consentit à recevoir tous ceux qui viendraient demander de ses nouvelles, espérant apprendre de l’une d’elles, et peut-être de lui-même, quel était son libérateur.

Mais chacun, occupé de soi, n’avait pas remarqué ce qui se passait d’étranger à lui : l’un se vantant d’avoir perdu la tête, racontait qu’il avait tiré son épée contre les flammes, en cherchant la femme qui l’intéressait ; l’autre prétendait être le sauveur d’une famille entière ; celui-ci levait les yeux au ciel en laissant entendre que sa maîtresse était dans le plus grand danger par suite de sa frayeur ou de ses brûlures ; celui-là se reprochait d’avoir trahi le secret de son amour pour madame… en la voyant prête à périr. Quant aux femmes, toutes avaient été sauvées par un être dévoué qu’elles avaient grand soin de désigner de façon à ne pouvoir le méconnaître. Aucun de ces récits personnels, de ces romans imaginés par l’amour-propre, n’apprit rien à Ermance sur ce qui l’intéressait.

Impatientés du silence que gardait le héros anonyme, ainsi nommé par madame de Cernan et M. de Maizières, ils complotèrent ensemble un moyen de l’obliger à se trahir. Un jeune aide de camp du prince de Neufchâtel fut choisi par eux pour les aider dans cette entreprise innocente ; il devait se laisser présenter par le colonel Castelmont et M. de Maizières comme le sauveur d’Ermance, quitte à rendre tous les témoignages de reconnaissance qu’il aurait surpris lorsqu’il se dépouillerait de son rôle de héros en faveur du véritable. C’était risquer de déplaire vivement à madame de Lorençy, mais l’étourderie de M. Jules de C… ne le laissait jamais réfléchir