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tre deviné est la suite obligée d’un semblable mystère. Il n’y a pas tant de personnes sur qui puisse flotter le soupçon d’un pareil dévouement pour être longtemps à chercher son nom, et l’on sait à quoi peut mener la reconnaissance.

— Raison de plus pour se faire connaître, dit madame de Cernan. D’ailleurs, un mystère de ce genre ne peut manquer d’être dévoilé. D’abord, je vais épier tous ceux qui viendront ici, et je finirai, tôt ou tard, par découvrir le héros anonyme.

— Il serait bien plus simple de vous demander son nom, dit en riant Ferdinand à Ermance ; mais je crois le connaître : Adhémar le sait probablement encore mieux que moi ; il aurait déjà dit son nom peut-être, sans le silence qu’un mari garde toujours sur les belles actions des adorateurs de sa femme.

En cet instant Ermance leva les yeux brusquement sur M. de Maizières, comme s’il venait tout à coup de faire naître une idée dans son esprit ; puis, les reportant sur Adhémar, elle vit sa physionomie prendre un air sombre, et ne douta plus qu’il ne soupçonnât le comte Albert de s’être dévoué pour elle. Peut-être ne se trompait-il point. Cette incertitude détruisait l’espérance que madame de Lorency avait conçue un moment, et elle retomba dans une tristesse profonde.

Adhémar sortit bientôt après, en laissant voir l’impatience que lui causaient les plaisanteries de Ferdinand sur l’héroïsme du comte Albert, et combien cette gaieté, à propos d’un désastre, lui était insupportable.

Les gens du monde tombent souvent dans le tort de n’avoir que le même ton, la même ironie, le même genre d’esprit, pour parler de ce qu’il y a de plus sérieux, de plus triste ou de plus comique. C’est toujours le besoin d’attiédir un sentiment, de déconcerter un intérêt, de déjouer un effet quelconque, qui dirige leur conversation : aussi ce partage, froidement spirituel, assez amusant dans l’habitude de la vie, devient-il insoutenable lorsqu’un événement grave captive le cœur et l’esprit de tout le monde. M. de Maizières était de ceux que le côté plaisant des choses empêchait de voir l’autre, et