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raison, elle ajoutait d’autres moqueries dont elle seule riait ; car pour sourire des saillies d’une gaieté maligne, on a besoin de la croire désintéressée, sinon elle prend le caractère d’une vengeance dont on craint de se rendre complice : aussi les plaisanteries de madame d’Alvano sur la princesse Ranieska venaient mourir à Ermance, qui avait trop d’esprit et de fierté pour les répéter.

Après avoir épuisé ce moyen d’exhaler sa colère jalouse, Euphrasie se rapprocha de madame de Lorency, et lui témoigna tant d’intérêt, de pitié même, qu’elle ne put se tromper sur le motif d’une commisération si indiscrète. Cependant elle feignit de ne la pas comprendre. Alors la duchesse d’Alvano, cédant au besoin qu’elle avait de médire d’Adhémar et parlant au nom d’une amitié révoltée, fit entendre clairement à Ermance qu’on était généralement indigné de l’affectation que M. de Lorency mettait dans les soins qu’il rendait à la princesse Ranieska.

— Je ne vous en parlerais pas, ajouta-t-elle, car je n’ignore pas ce que cette conversation a de pénible pour vous, si je ne savais, à n’en pas douter, que l’empereur à trouvé fort étrange qu’Adhémar se fit accompagner par elle tout le temps du voyage de Leurs Majestés, et j’ai cru devoir vous prévenir du mauvais effet qu’a produit cette inconvenance, afin de l’engager à mettre plus de prudence dans son amour pour sa poupée polonaise.

— Vous savez, madame, reprit Ermance d’un ton digne, que je ne me mêle point de contrarier les goûts de M. de Lorency. Ce n’est pas que je ne souffre infiniment des préférences qu’il ne se donne pas la peine de me cacher : mais que faire contre le malheur de n’être pas aimée… contre l’abandon ? On ne peut qu’attendre et se taire, ajouta-t-elle en craignant de laisser pénétrer sa pensée.

— Vous méritiez mieux, reprit la duchesse d’Alvano en serrant la main d’Ermance, pendant que celle-ci détournait les yeux pour cacher les larmes prêtes à s’en échapper.

Au même instant un grand personnage vint inviter madame de Lorency pour l’anglaise, et demandée par l’impéra-