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charme de ce négligé, vraie parure de campagne. Enfin, Ermance était si jolie et désirait tant le paraître, que Ferdinand ne put s’empêcher de lui dire qu’il ne l’avait jamais vue plus à son avantage.

— Savez-vous bien ajouta-t-il, que vous commencez à donner beaucoup d’humeur à nos femmes à la mode ? Elles se plaignaient hier, avec de faux airs d’humilité, de la manière dont vous fixiez les regards de leurs adorateurs, si vous continuez à les désespérer ainsi, attendez-vous à leur colère.

— J’en ai déjà ressenti l’effet, dit Ermance en regardant Adhémar, et pourtant le ciel sait si j’en suis digne ! mais ce sont de malins flatteurs tels que vous, ajouta-t-elle, qui nous attirent cet injuste courroux. Vous avez tant de plaisir à exciter l’envie des femmes entre elles, leur rivalité d’amour-propre a si bien la couleur d’une jalousie amoureuse, que vous cherchez tous les moyens de l’augmenter, soit par des éloges exagérés, des comparaisons blessantes, ou, ce qui est pis encore, par la confidence de succès imaginaires et de sentiments que nous n’inspirons pas. Découvrez-vous l’intérêt qu’une femme prend à quelqu’un, vous ne manquez jamais de lui dire qu’il est passionné pour une autre, et la conversation la plus insignifiante suffit pour vous servir de preuves ; ainsi vous créez des haines qui ne tournent même pas à votre profit.

— Et des amours auxquels on n’aurait peut-être jamais pensé, ajouta Adhémar.

— Je te conseille de me prêcher aussi, dit Ferdinand, toi que j’entendais hier soir immoler sans pitié tout ce qui se trouvait là de jolies femmes au plaisir de faire sourire une belle Polonaise. Va, nous sommes tous les mêmes, et madame a raison ; nous voulons tous produire de l’effet : à défaut d’émotion tendre, nous visons aux agitations de la vanité ; le dépit remplace le trouble ; et quand nous avons fait rougir et pâlir une femme en lui parlant d’une autre, nous la croyons prête à nous adorer : j’ai la bonne foi d’en convenir ; voilà ma seule supériorité.