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gardait ainsi, et je ne m’en étonne pas, car je sais qu’elle avait un grand désir de te connaître ; elle était à Vienne lors de notre fameux souper. Mais chut…, ajouta-t-il en se tournant vers madame de Lorency on ne doit point parler de nos récréations à l’armée devant…

— Ne soyez pas si discret, interrompit Ermance en s’efforçant de sourire  ; il ne faut pas croire que le bruit de vos exploits nous arrive seul ; celui de vos plaisirs nous parvient aussi, et ne fait pas moins de sensation, je vous assure.

À ces mots, Adhémar fixa les yeux sur Ermance comme pour deviner quel sentiment lui dictait cette réflexion maligne ; puis, après quelques moments de silence :

— Ah ; oui, dit-il, je me rappelle qu’on racontait alors une assez singulière histoire sur le compte de cette jeune princesse Ranieska ; mais je ne l’ai jamais rencontrée à Vienne.

— Je le crois bien, dit M. de Castelmont ; elle n’allait point alors dans le monde ; elle avait quitté Varsovie avec sa tante, la comtesse M…, pour échapper aux suppositions, aux pruderies, aux caquets que son aventure conjugale faisait naître, et qui s’éternisaient par le mystère répandu sur cette étrange séparation.

À ce mot de séparation, madame de Lorency, qui écoutait attentivement, n’osa point questionner M. de Castelmont sur ce qu’on disait de la princesse ; mais madame de Cernan insista pour apprendre tout ce qu’en savait Auguste :

— Je ne suis pas mieux instruit qu’un autre, répliqua-t-il ; je sais seulement qu’après s’être mariée de plein gré avec le prince Raniesky, homme assez agréable et qui passait pour en être fort amoureux, elle est partie avec lui, comme c’est l’usage dans le pays, pour aller passer la nuit des noces dans un château près de Varsovie, et que le lendemain, au point du jour, le marié est monté en voiture pour se rentre à Stockholm, en laissant un petit billet d’adieu par lequel il disait à sa famille qu’il ne comptait jamais revenir en Pologne. Vous jugez des conjectures nombreuses qu’on a faites sur ce départ précipité, dont on n’a pu parvenir à savoir la cause : la princesse elle-même prétend l’ignorer.