Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/150

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour causer ; et lorsqu’elle se croit à portée d’être entendue d’un certain nombre de personnes, elle adresse la parole à M. de Lorency :

— Savez-vous, dit-elle, que vous nous avez causé une frayeur mortelle, et que vous avez une manière très-ingénieuse d’éprouver l’attachement de vos amis ! C’était une véritable consternation à la cour lorsqu’on est venu nous dire que vous aviez été assassiné près de Madrid ; grâce à l’intérêt que vous inspirez, on s’est presque réjoui d’apprendre que c’était ce pauvre Adrien de Kerville qui avait été tué par ces traîtres de guérillas !

— Du courage ! dit tout bas M. de Montvilliers à sa nièce, en la voyant pâlir.

— Mais est-on bien sûr que ce soit M. de Kerville, demanda le chevalier de P… ? J’ai vu ce matin un de ses parents, qui se flattait encore, la nouvelle n’en étant point confirmée.

— Hélas ! rien de plus certain, reprit madame d’Alvano en regardant Ermance. Les détails de cet horrible événement sont arrivés aujourd’hui ; c’est le colonel G…, l’ami, le camarade d’Adrien, qui l’a ramassé lui-même dans le fossé où les misérables l’ont jeté, après avoir tiré sur lui et sa faible escorte. Le colonel G… lui avait dit la veille d’attendre, pour aller rejoindre son général, jusqu’au soir, où lui-même devait faire cette route avec son régiment ; mais Adrien avait promis d’être arrivé à une heure fixe. Le désir d’être exact l’a déterminé à partir de grand matin, suivi seulement de deux hommes de sa compagnie ; et c’est en se rendant au quartier-général qu’il a été frappé de plusieurs balles à la fois.

— Quelle affeuse guerre ! s’écria Ferdinand.

— Le général Donavel aurait pu vous donner cette nouvelle, continua la duchesse d’Alvano, car il était avec nous chez la maréchale S… quand ou a lu la lettre de M. de G…

— Il est vrai, madame, répondit le général ; mais je suis toujours peu empressé d’apprendre à mes amis de semblables malheurs. Il est si rare qu’il n’y ait pas là quelqu’un à qui cela ne fasse une peine cruelle !