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accourent de toutes parts pour rendre hommage à leur vainqueur ! C’est le séjour de la crainte et du désespoir. L’empereur est, j’en suis sûre, plus malheureux de son divorce qu’on ne le croit. Il aime sa femme ; elle a vu naitre sa gloire, elle connaît ses défauts et sait les supporter sans murmurer ; enfin, en la répudiant, il brave deux sentiments impérieux : l’habitude et la superstition. La pauvre impératrice pleure jour et nuit la perte d’un trône qu’elle n’avait point désiré. Sa fille, plus à plaindre encore, souffre doublement de l’humiliation de sa mère, car elle est la conséquence d’un plus grand malheur, de la mort de cet enfant charmant que l’empereur avait adopté. Ah ! quand on voit tant de peines empoisonner de si brillantes existences, cela donne quelque résignation à subir la sienne !

— Surtout quand elle fait envie à tant de monde, dit M. de Maizières ; mais, pour vous sortir de ce cette sombre philosophie, je vous dirai que Paris est divisé maintenant en plusieurs partis fort dangereux pour l’État : celui des voltairiens et celui des disciples de Geoffroi, les amateurs de la musique de Spontini et les fidèles au culte du célèbre Gluck et de ses imitateurs ; je vous assure qu’ils se disputent entre eux avec autant d’acharnement que s’il s’agissait du sort d’un royaume. Il est vrai que les opinions politiques ne sont jamais étrangères à ces sortes de querelles ! tous ceux qui veulent plaire au maître déclament, avec Geoffroi, contre les idées d’indépendance politiques et dramatiques de Voltaire, et préfèrent à tout la musique italienne. Les opposants prêchent la révolte contre toute vieille puissance ; ils veulent du drame allemand et de la musique française. Les ballets seuls parviennent à les mettre d’accord : là plus d’avis différents sur mademoiselle Clotilde et mademoiselle Bigotini, ce qui prouve le véritable génie de la nation. J’avais bien aussi à vous compter quelques petites histoires scandaleuses sur la maison impériale et les coulisses de l’Opéra, sur les soupers de Vienne et les matinées de Neuilly ; mais je ne veux pas me faire ici la réputation d’un chroniqueur médisant.

Au mot de souper de Vienne, madame de Cernan avait fait