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moment près de moi pour l’abuser par un mensonge éternel ! Ah ! mon Dieu ! le pourrais-je ? Mon tremblement, la rougeur de mon front ne me trahiront-ils point sans cesse ? Songez donc que je l’aime, que ma raison peut m’abandonner à la seule idée d’un soupçon ; enfin que, dans le trouble où le désespoir me jette, je suis incapable de chercher à maintenir son illusion par des moyens, des ruses indignes de…

— Eh bien, interrompit M. de Montvilliers, en s’emparant du bras tremblant d’Ermance, laissez-moi ce pénible soin ; je ne croirai point me dégrader en vous sauvant tous deux du déshonneur. Mais quelle qu’en soit la rigueur, vous serez docile à mes conseils.

— Oui, répondit Ermance d’une voix étouffée.

— Vous souffrirez en silence. Je serai seul au monde à partager le poids de ce triste secret : et pour mieux le garder, vous resterez ici, c’est moi qui écrirai à votre père, à votre mari ; je lui dirai que vous cédez à mes instances en passant l’hiver près de moi ; c’est moi qui les tromperai tous deux pour vous conserver leur tendresse, pour vous rendre vous-même un jour à la vertu, au bonheur ! Ah ! vous bénirez alors ce vieil ami dont la sévérité vous condamne aujourd’hui au plus cruel châtiment ! vous reconnaîtrez alors que dans ce cœur flétri par de longs malheurs, par toutes les déceptions de l’expérience, il existait encore assez de force pour vous protéger contre vous-même, assez d’affection pour vous consoler !

En finissant ces mots, deux larmes coulèrent lentement sur les joues pâles du vieillard ; Ermance les voit, se jette aux genoux de son oncle en s’écriant :

— Ô mon unique ami ! mon soutien ! mon père ! je jure ici de vous obéir ; il n’est point d’humiliations, de sacrifices que je ne puisse supporter pour payer de si précieuses larmes !… disposez de moi… Si le tourment de ma vie entière doit me rendre votre estime et l’affection de ce noble cœur que j’afflige, ah ! je n’aurai pas trop souffert ! Déjà je sens le bienfait d’une protection si douce ; je ne suis plus seule au monde avec ma douleur ; j’ai votre pitié, mon repentir vous touche,