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de ce beau lac, et madame de Lisieux espérait que le souvenir des anciens services de son père lui vaudrait un accueil bienveillant de l’auguste exilée.

Elle ne se trompait point ; la duchesse de Saint-L… la reçut avec cette grâce héréditaire qui avait acquis à sa mère tant de cœurs ennemis, avec cette politesse affectueuse qui fait pardonner la puissance, et semble la continuer au delà de son terme. Malgré tout ce qu’on devait attendre d’une personne que l’éclat d’une couronne n’avait point éblouie, et qui, trop noble par elle-même pour s’enorgueillir de son élévation, était restée modeste sur le trône, Mathilde ne put voir sans étonnement à quel point l’esprit et la bonté peuvent triompher de tout sentiment amer dans les grands revers de fortune.

En entendant la duchesse de Saint-L… s’exprimer sur les événements, les personnes qui avaient décidé ou profité de sa chute, avec tant de modération, de justice et d’impartialité, on oubliait comme elle la part qu’elle avait eue dans ces grandes révolutions. Ses regrets étaient réservés aux êtres que la mort lui a ravis ; il n’en restait plus pour ses grandeurs passées, et les larmes qui remplissaient ses yeux chaque fois qu’on prononçait le nom de France étaient le seul signe qui trahît sa peine. Entourée de ses fils, de ses charmantes nièces, appelées à régner aux deux bouts du monde, soignée par ses amis, visitée par les talents les plus distingués de l’Europe, elle offrait l’exemple bien rare